Petit détour historique : comment les méthodes de pesée des emplois ont émergé

Au début du XXe siècle, l’essor des grandes industries transforme profondément le rapport au travail. Sous l’impulsion de penseurs comme Taylor ou Ford, les organisations cherchent à standardiser, rationaliser et optimiser les tâches. On commence alors à mesurer avec précision le rendement des postes. Ce rendement devient la base de la rémunération : un système souvent qualifié de « salaire au mérite », très directement lié à la productivité observée.

Après la Seconde Guerre mondiale, cette logique centrée sur le rendement individuel est progressivement remplacée par des approches plus souples, globales et humaines. Les entreprises prennent conscience que la valeur d’un emploi ne dépend pas uniquement des gestes techniques, mais aussi de critères tels que le niveau de responsabilité, l’expertise, l’importance des interactions internes et externes ou encore la capacité à résoudre des problèmes complexes.

C’est dans ce contexte que naissent les grandes méthodes analytiques modernes, notamment :

  • La méthode HAY aux États-Unis, aujourd’hui mondialement utilisée ;
  • La méthode Parodi en France, largement déployée dans les années 1960–1980.

Ces approches marquent un tournant : la rémunération commence à se fonder sur la valeur du poste, de l’emploi, et non plus uniquement sur la performance immédiate de l’individu.

Deux grandes familles de méthodes de classification : rangement vs analytique

Aujourd’hui, deux types de méthodes coexistent pour classer les emplois repères d’une organisation :

Les méthodes de rangement (ou méthodes « classantes »)

Souvent héritées des conventions collectives, ces méthodes consistent à classer les postes par « rang » ou par « catégorie », selon quelques critères simples. Elles présentent cependant plusieurs limites :

  • Peu de précision ;
  • Forte subjectivité ;
  • Peu adaptées aux organisations modernes ;
  • Orientées vers une logique de « statuts » plutôt que de compétences ou responsabilités.

Elles offrent une première structuration mais restent insuffisantes pour piloter une politique salariale moderne et équitable.

Les méthodes analytiques (ou « factorielles »)

Beaucoup plus utilisées dans les entreprises privées, les méthodes analytiques reposent sur l’évaluation détaillée et objective des emplois, à partir d’un ensemble de critères. Elles sont considérées comme :

  • Plus précises ;
  • Plus robustes ;
  • Plus représentatives de la réalité du travail ;
  • Plus efficaces pour structurer une grille des salaires.

C’est sur cette seconde famille que nous nous concentrons, car c’est elle qui permet d’établir une hiérarchie salariale cohérente et d’alimenter une classification des emplois fiable.

Les méthodes analytiques : cœur des politiques salariales modernes

Des critères pour évaluer objectivement chaque emploi

Les méthodes analytiques (ou « critérielles ») reposent en général, sur un ensemble de 6 à 12 critères d’évaluation, parmi lesquels on retrouve fréquemment :

  • Le niveau de formation requis ;
  • L’expérience nécessaire ;
  • Le degré de responsabilité ;
  • Le niveau d’autonomie ;
  • La complexité des tâches ;
  • L’étendue des interactions internes / externes ;
  • L’impact économique ou organisationnel du poste.

À chaque critère correspond plusieurs niveaux, eux-mêmes associés à un nombre de points. Lorsque l’on additionne l’ensemble des points obtenus pour un poste, on obtient sa « cote » totale.

Ce travail est généralement mené par un comité d’évaluation composé de RH, managers et experts métiers, afin d’assurer objectivité, transparence et acceptation interne.

De la cotation à la hiérarchie : structurer les emplois

Une fois les points attribués à chaque emploi, il devient très simple de les classer du plus faible au plus élevé. Cette hiérarchie permet :

  • De comprendre la valeur relative des postes ;
  • D’éviter les décisions arbitraires ;
  • D’assurer la cohérence interne ;
  • De structurer les parcours professionnels.

De la classification à la grille des salaires : l’apport de WAAGE Classification

Une fois la hiérarchie établie, il devient possible de construire la grille des salaires de l’organisation. Cette grille s’appuie sur :

Avec la méthode WAAGE Classification, utilisée par de nombreuses organisations, la grille est structurée en échelles de salaires regroupant les postes dont les cotations sont voisines. Chaque échelle comprend :

  • Un salaire minimum ;
  • Une « valeur cible de marché » (ou médiane) ;
  • Un salaire maximum.

Les fonctions cotées entre 300 et 450 points appartiennent par exemple à la même échelle, tandis qu’une autre sera réservée aux postes entre 451 et 615 points, etc.

Une grille complète peut comporter 10 à 25 échelles, selon la taille de l’organisation et le nombre de métiers.

La hiérarchie des salaires : est-elle vraiment juste ?

Si la grille des salaires découle logiquement de la classification, une question essentielle demeure : reflète-t-elle réellement la valeur ajoutée des collaborateurs ?

Dans un environnement stable, la réponse est souvent positive. Mais en cas de changements majeurs — crises économiques, transformations structurelles, émergence de métiers critiques, innovations technologiques, crise sanitaire… — la hiérarchie préexistante peut être remise en question.

La crise du COVID-19 l’a montré : certains métiers perçus comme « périphériques » se sont révélés absolument essentiels au fonctionnement de l’entreprise.

Dès lors, se pose une série de questions :

  • La hiérarchie des emplois doit-elle rester figée ?
  • Faut-il revaloriser certains postes en fonction de leur rôle réel dans des situations critiques ?
  • Comment éviter de « casser » la grille des salaires tout en réajustant les emplois clés ?
  • Comment articuler équité interne, talents critiques et enjeux de performance ?

Autant de réflexions qui montrent que la classification et la grille salariale ne sont pas des outils figés, mais des dispositifs vivants, devant évoluer avec la réalité opérationnelle et les priorités stratégiques.

 

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Article mis à jour le 1er décembre 2025