Le projet de loi pour l’activité et la croissance, dit « loi Macron » est désormais considéré comme ayant été adopté par l’Assemblée nationale en seconde lecture le 18 juin 2015, à la suite du rejet de la motion de censure intervenu dans le cadre de l’article 49-3 de la Constitution. Il est très probable que le texte qui sera adopté définitivement sera, soit identique, soit très proche de la version considérée comme ayant été adoptée par l’Assemblée nationale que nous commentons ci-dessous.
La version actuelle du texte sera présentée en seconde lecture au Sénat.
A l’issue de cette seconde lecture, le Gouvernement demandera à l’Assemblée nationale de statuer définitivement en application de la procédure de l’article 45 § 4 de la Constitution. Dans ce cas, « l’Assemblée nationale peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat ».
Le texte définitif pourrait être adopté autour de la mi-juillet 2015. Si un recours est déposé auprès du Conseil constitutionnel, la loi pourrait être publiée au cours du mois d’août ou début septembre 2015.
Ci-dessous, nous abordons les éléments relatifs à l’actionnariat des salariés.
Actionnariat des salariés : les actions gratuites
Sur les actions gratuites, la dernière version du projet de loi est revenue au texte initial que nous avions commenté dans notre alerte du 26 novembre 2015.
- Date d’entrée en vigueur : le nouveau régime des actions gratuites sera applicable pour les attributions faites au titre d’une résolution d’assemblée générale adoptée postérieurement à la publication de la loi. En pratique, pour les sociétés dont l’assemblée générale est au printemps, ne pourront bénéficier de ces mesures que les attributions d’actions gratuites qui seront faites au titre d’une résolution adoptée par l’assemblée générale qui se déroulera au printemps 2016, sauf à convoquer une assemblée générale extraordinaire, après la publication de la loi, pour adopter une nouvelle résolution « actions gratuites ».
- Les durées minimales de la période d’acquisition et de la période de conservation sont réduites : cette disposition s’applique à toutes les sociétés (et pas seulement aux PME comme le Sénat l’avait envisagé).
Les périodes d’acquisition et de conservation sont d’au moins un an chacune. En l’absence de période de conservation, la période d’acquisition est de deux ans minimum (au lieu de quatre ans aujourd’hui).
- Le taux de la contribution patronale est réduit de 30% à 20%. Cette contribution n’est plus due dans le mois suivant l’attribution, mais dans le mois suivant la livraison effective et ne porte que sur la valeur des seules actions livrées. Certaines petites et moyennes entreprises sont exemptées de cette contribution.
- La contribution salariale de 10 % sur la plus-value d’acquisition est supprimée.
- Le traitement fiscal et social de la plus-value d’acquisition est aligné sur celui de la plus-value de cession : imposition au taux progressif de l’impôt sur le revenu en bénéficiant de l’abattement prévu pour une durée de détention d’au moins 2 ans (50%) ou d’au moins 8 ans (65%), la durée de détention étant calculée à compter de la date de livraison. La plus-value d’acquisition est assujettie, comme la plus-value de cession, aux prélèvements sociaux au taux global de 15,5%.
Actionnariat des salariés : le capital détenu par les actionnaires salariés
Rappelons que lorsque les actionnaires salariés détiennent plus de 3 % du capital, un administrateur représentant les salariés actionnaires doit être nommé au Conseil d’administration / Conseil de surveillance, selon des modalités à prévoir statutairement.
Les modalités de calcul de la part du capital social détenue par les salariés au dernier jour de l’exercice ont été élargies pour y inclure :
- Les actions gratuites détenues au nominatif (article L. 225-197-1 du Code de commerce). Jusqu’ici, les actions gratuites n’étaient pas prises en compte pour le calcul de la part du capital social détenu par les actionnaires salariés, à l’exception de celles qui étaient affectées à un plan d’épargne salarial ou sur un FCPE. Le projet de loi prévoit désormais l’obligation de prendre en compte les actions gratuites détenues au nominatif (et donc y compris hors PEE), qu’elles soient soumises ou non à une obligation de conservation. Seules, les actions gratuites détenues au porteur seraient exclues de ce calcul ;
- Les actions acquises dans le cadre d’opérations de privatisation détenues au nominatif, au-delà de leur période d’incessibilité : (i) dans le cadre de l’article 31-2 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 (voir ci-dessous (4)) et (ii) dans le cadre de l’article 11 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités de privatisation. Jusqu’ici, ces actions n’étaient prises en compte dans le calcul de la participation des salariés au capital que durant les périodes d’incessibilité.
Pour les sociétés pouvant dépasser le seuil de 3% du fait de ces nouvelles dispositions, il est opportun d’anticiper le sujet en considérant dès à présent les alternatives qui vous seront ouvertes pour assurer la représentation requise.
Actionnariat des salariés : les FCPE
Les règles de composition du conseil de surveillance des FCPE restent inchangées (les représentants de l’entreprise représentent au plus la moitié des membres du conseil de surveillance). Il avait été question d’accroître le nombre de représentants des salariés jusqu’à 2/3 des membres mais les parlementaires sont revenus à l’état du droit positif.
L’obligation de prévoir des parts de distribution (permettant une distribution des dividendes) est supprimée si le règlement du FCPE le prévoit. Le règlement du FCPE pourra ainsi prévoir uniquement la capitalisation automatique des dividendes perçus (c’est-à-dire un réinvestissement automatique dans le fond). Il nous parait envisageable qu’un conseil de surveillance d’un fonds existant ayant les deux types de parts puisse décider de les limiter à une seule catégorie, s’il considère que cela est dans l’intérêt des porteurs.
Les FCPE peuvent détenir des parts d’organismes de placement collectif immobilier (OPCI) jusqu’à 30% de leur actif.
Actionnariat des salariés : offres salariées dans les entreprises publiques *
Le projet de loi réintroduit l’obligation, en cas de cession d’une participation de l’Etat, réalisée selon les procédures des marchés financiers, et entraînant le transfert d’une partie du capital au secteur privé, de proposer au moins 10% des titres cédés par l’Etat aux salariés de l’entreprise, à ceux des filiales dans lesquelles elle détient, directement ou indirectement, la majorité du capital, ainsi qu’aux anciens salariés s’ils justifient d’un contrat ou d’une activité rémunérée d’une durée accomplie d’au moins cinq ans avec l’entreprise ou ses filiales, qui sont adhérents d’un plan d’épargne. Le texte précise par ailleurs que « l’entreprise peut prendre à sa charge une part du prix de cession, dans la limite de 20%, ou des délais de paiement qui ne peuvent excéder trois ans. »
* article 31-2 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014
Actionnariat des salariés : un assouplissement des conditions d’attribution des BSPCE
Le projet de loi assouplit les conditions d’attribution des BSPCE en faveur des jeunes entreprises s’engageant dans la création de filiales détenues à au moins 75% ou créées dans le cadre d’une restructuration. Cette mesure vise à tenir compte du fait que de nombreuses jeunes entreprises ont besoin de se rapprocher d’une autre entreprise ou de créer une filiale lorsqu’elles sont amenées à développer plusieurs activités.
Source : SHEARMAN & STERLING LLP